Origines et relations avec le sport

Vous remportez la Coupe nationale de soccer de France avec l’Olympique de Marseille dans les années 1920 et vous devenez l’un des premiers joueurs professionnels de soccer de votre pays. Vous êtes convaincus que les sports et la forme physique sont essentiels à une longue vie en santé. Comme vous mettez vos recommandations en pratique, vous vous inscrivez, à l’âge de 92 ans, à une course de 13 kilomètres et vous la complétez. Telle a été la vie de Jan Eisenhardt, l’un des plus importants leaders du Canada en matière de conditionnement et d’activité physique. Tout au long de ses 98 années de vie et de sa carrière s’échelonnant sur plus de huit décennies, Jan Eisenhardt n’a jamais arrêté de bouger.

Jan Eisenhardt participe au demi-marathon Broløbet entre Amager, au Danemark, et Malmö, en Suède, à l’âge de 92 ans.
Gracieuseté du Panthéon des sports canadiens

L’athlète et le militant de la forme physique Jan Eisenhardt a quitté le Danemark en 1927 pour s’installer au Canada, plus précisément à Vancouver, en C.-B. Déterminé à améliorer la santé des personnes sans-abri et marginalisées, Jan s’est impliqué dans le secteur public, au niveau de la programmation en conditionnement physique. Alors qu’il travaillait au service des parcs de Vancouver pendant les années 1930, Jan a mis sur pied le populaire programme « Loisirs communautaires d’hiver », qui favorisait la forme physique des enfants. Le programme a connu un tel succès que le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique l’a ensuite embauché à titre de directeur des loisirs, lui confiant le mandat de développer un programme de conditionnement physique à l’échelle de la province.

Jan Eisenhardt en 1943, animant une émission de radio à Montréal en tant que directeur du programme des sports de l’armée canadienne.
Gracieuseté du Panthéon des sports canadiens

Le résultat de cet effort fut un programme de loisirs très novateur, communément appelé « Pro-Rec ». La première fois que Jan Eisenhardt a réuni les instructeurs de ce programme, il est tout simplement entré dans la pièce et, sans prononcer un seul mot, il a sifflé dans un sifflet d’arbitre. « Laissez-moi vous dire que ça a attiré notre attention », se rappelle un des instructeurs qui étaient présents. Ceux qui ont connu Jan s’entendent pour dire qu’il était entièrement dévoué à sa mission d’éduquer les gens à l’importance de la forme physique. « Quand Jan vous serrait la main, il ne la lâchait pas tant que vous n’étiez pas d’accord avec lui », raconte l’athlète olympique et historien sportif Bruce Kidd.

360 artifact thumbnail

Trophée de tennis remporté par Jan Eisenhardt lorsqu’il vivait à Vancouver. Il a été un athlète accompli tant au Danemark qu’au Canada, avant de devenir responsable de l’éducation physique et des loisirs avec le gouvernement canadien.
Gracieuseté de Lisa Eisenhardt-Spillane

Jan Eisenhardt a quitté le programme Pro-Rec en 1939, au début de la Deuxième Guerre mondiale, pour diriger le programme des sports de l’armée canadienne. En 1943, il a été nommé directeur national de la condition physique. Il s’est ensuite joint au ministère des Affaires indiennes en 1950 où il y a occupé le rôle de directeur des sports, afin de développer la programmation consacrée aux sports et aux loisirs dans les réserves autochtones et les écoles missionnaires. Le nouvel employeur de Jan Eisenhardt partageait sa vision de l’incidence positive des programmes d’activité physique, mais avait d’autres objectifs en tête. On croyait à l’époque que la participation à des programmes de sport organisé et de conditionnement physique était une excellente façon d’enseigner aux jeunes autochtones les valeurs de la société coloniale, puisque ces programmes remplaceraient les activités physiques traditionnelles des Autochtones, affaiblissant ainsi le lien avec leurs valeurs culturelles. Cela contribuerait au fil du temps à assimiler les jeunes autochtones à la société canadienne dominante.

Jan Eisenhardt visited Reserves and Residential Schools across Canada, later advocating for increased funding and resources after witnessing poor living conditions and lack of equipment.
Courtesy of the Provincial Archives of Saskatchewan, R-A4783

Jan Eisenhardt avait sans doute quelques inquiétudes concernant les objectifs du ministère, mais il se lança néanmoins dans la planification du programme avec son énergie habituelle. Il a organisé une tournée d’inspection afin de constater l’état de santé et de forme physique dans les communautés autochtones. Il a voyagé du Québec jusqu’en Colombie-Britannique, rendant visite à plus de 70 réserves, écoles et pensionnats. Partout où il allait, il trouvait des édifices en mauvais état, des équipements inadéquats, des installations délabrées, des conditions de vie malsaines et un manque de personnel qualifié et compétent.

Selon lui, une des façons de répondre à ces problèmes était de mettre de l’avant un plan à grande échelle et bien financé, ayant pour objectif le développement d’installations et de programmes consacrés au sport, au conditionnement et à l’activité physique pour les communautés autochtones. Il pensait également que la remise de prix et de trophées pourrait augmenter le taux de participation des Autochtones au sport et à l’activité physique. Le plus important de ces prix serait la « médaille Tom Longboat ». L’idée de Jan Eisenhardt était de remettre cette médaille au gagnant d’une série de courses à pied rassemblant les meilleurs athlètes autochtones.

Les suggestions de Jan Eisenhardt ont presque toutes été ignorées ou bien elles n’ont pas reçu l’appui de ses supérieurs au ministère des Affaires indiennes. Pour faire avancer son projet, Jan Eisenhardt a sollicité la collaboration de l’Union canadienne athlétique amateur (UCAA). L’UCAA était d’accord, à condition qu’on lui attribue entièrement l’idée du prix. Jan Eisenhardt a accepté cette requête afin de garantir la coopération de l’UCAA. Il esquissa ensuite les règlements du prix et l’Union s’assura qu’ils respectaient les normes requises. Les directives concernant les nominations au niveau local, régional et national ont ensuite été développées.

Au départ, le ministère des Affaires indiennes gérait les prix au niveau local et régional et l’UCAA s’occupait du prix national. Un comité de l’UCAA sélectionnait le récipiendaire du prix national, sans solliciter l’avis d’athlètes autochtones ou de leaders du milieu sportif autochtone.

Les premiers prix Tom Longboat ont été présentés à Montréal au printemps 1951. Seuls deux représentants de la communauté de Kahnawake ont été invités à la cérémonie. Le premier récipiendaire du prix national était Frederick Baker, originaire de Squamish, en C.-B. Il a été sélectionné pour ses réalisations dans non moins de cinq sports différents. Les prix Tom Longboat étaient finalement devenus une réalité. Au cours des années suivantes, ils feraient face à plusieurs défis, mais ils commenceraient aussi à raconter l’importante histoire des athlètes autochtones au sein du sport canadien.

Les prix Tom Longboat ont gagné en notoriété au cours des dernières années, tout en se concentrant davantage sur l’implication communautaire et l’esprit sportif.
Gracieuseté du Panthéon des sports canadiens